Mais c’est aussi et surtout un bellwether state, un Etat baromètre, avec une mosaïque de votes très représentative des Etats-Unis dans sa globalité.
Reportage depuis Miami par Nathalie Ponak et Laure Pallez.
La présidentielle américaine est une élection au scrutin indirect ; les 150 millions d’électeurs désignent des représentants qui sont ensuite chargés d’élire le président et le vice-président. Chaque État dispose d’un certain nombre de ces grands électeurs. Le chiffre magique pour remporter l’élection présidentielle est de 270 grands électeurs. La Floride en compte 29.
La Floride est le troisième État le plus peuplé, avec ses 21,5 millions d’habitants. L’aire
métropolitaine de Miami en rassemble plus de 6 millions. Comme le Texas (Austin et Houston en particulier), la Floride (Jacksonville, Miami, Orlando et Tampa) a connu un taux de croissance de sa population de 14% entre 2010 et 2019, contre 0.4% pour New-York. La crise Covid a renforcé cette tendance de nombreuses entreprises de la côte Est ayant délocalisé leur activité dans ces Etats à la fiscalité très compétitive (la Floride n’a pas d’impôt sur le revenu mais il existe un salaire minimum) et de nombreux retraités ou salariés en télétravail s’y installant définitivement. Afin de rattraper son retard dans les sondages, le président républicain mise gros sur la Floride.
C’est aussi l’Etat dans lequel il vote. Et c’est pour lui plus encore que pour Joe Biden une étape sans laquelle il ne pourra remporter la victoire.
La carte électorale floridienne dépasse traditionnellement les communautés et les générations : le nord-est de l’Etat est républicain (rouge), le Sud démocrate (bleu) et le centre dit « I-4 corridor » c’est-à-dire la longue autoroute et son couloir qui traversent la péninsule liant Tampa à Orlando, est violet. A l’image des 10% d’électeurs indécis par ailleurs (NB : 75 millions d’Américains ont déjà voté dont 5 millions en Floride), cet électorat « violet » issu de la classe moyenne, peut changer de camp et faire basculer le résultat du vote final, c’est donc là qu’il faut faire campagne. Les efforts de porte à porte qu’ont pu mener les troupes de Donald Trump faisant fi de l’épidémie lui confèrent un
avantage sur ce terrain.
Cependant, en 2020, trois groupes font tout de même l’objet d’une attention particulière des deux candidats en Floride dans un contexte de crise sanitaire et économique inédit : les retraités, les latinos et la « génération Tik Tok ».
Depuis les quatre dernières années, les retraités ont une influence électorale primordiale électorale et ils votent très largement à droite. Selon l’étude de la fondation Jean Jaurès de Renan-Abhinav Moog, la Floride est l’État ayant la plus forte population âgée de plus de 65 ans du pays (environ 5 millions). Donald Trump a perdu des voix auprès d’eux à cause d’une gestion de la crise sanitaire déléguée au gouverneur Républicain Ron De Santis jugée calamiteuse. La Floride est l’un des épicentres de la maladie avec hélas 16 500 décès à déplorer.
Si Donald Trump peine à convaincre les séniors, le Miami Herald se demande s’il peut faire la différence auprès de l’électorat hispanique, l’autre groupe clef pour remporter l’Etat.
Le quotidien souligne en effet que ce groupe semble plus enclin à soutenir le président qu’il y a quatre ans tout en continuant à favoriser le parti démocrate. La Floride compte une forte minorité latina, près d’un quart de sa population (soit 5 millions de personnes et 17% des électeurs), avec la particularité d’être principalement composée d’immigrés cubains. Les intentions de vote de cette communauté sont loin d’être homogènes selon la journaliste et écrivaine Paola Ramos 1 , contrairement aux Afro-
américains à 70% démocrates et qui représentent 17% de la population en Floride.
Les 18-35 ans se rendent aux urnes cette année et ils pourraient avoir un impact sur le résultat.
Selon le Miami Herald, sur les 3,5 millions d’électeurs âgés de 18 à 35 ans en Floride, 1,3 million sont démocrates, 1,2 million sont enregistrés sans affiliation à un parti et 910 000 sont républicains. L’écart est donc étroit, mais le quotidien floridien annonce un léger avantage à Joe Biden dans cette tranche de la population.
Au-delà des intentions de vote, c’est aussi le système de vote dans cet Etat qui fait aussi l’objet d’inquiétudes de la part des observateurs. En Floride, il est possible de voter de deux façons différentes, en fonction du comté où l’on vote. Le premier système consiste en la perforation du bulletin, après noircissement de la case correspondant au candidat choisi par l’électeur, le second en la lecture optique du bulletin de vote. Cela crée de la complexité.
Le souvenir de l’élection de 2000 en Floride est dans tous les esprits. Lors de la soirée électorale, les médias américains avaient imprudemment déclaré Al Gore vainqueur dès les premiers résultats arrivant de Floride. Toutefois, alors que les résultats étaient très serrés, la Floride a été ensuite déclarée « too close to call », s’en est suivi un chemin douloureux jusqu’à la Cour suprême. En 2020, les Démocrates voteront largement par correspondance, or le Washington Post révèle que de nombreux Swing States comme
la Floride possèdent les services postaux parmi les moins performants du pays, ce qui pourrait altérer la tenue matérielle du vote.
Même si Joe Biden a de l’avance, le scrutin de 2020 promet d’être serré en Floride, véritable Etat baromètre : fin 2019, la Floride comptait 4 986 520 électeurs affiliés comme démocrates contre 4 761 405 électeurs affiliés comme républicains et 3 641 359 électeurs étaient non affiliés, ce vote violet de la classe moyenne dépassera une fois de plus les questions identitaires, les divers groupes d’électeurs observés ne votant pas en bloc.
Laure Pallez est tête de l’unique liste de gauche « Ecologie et Solidarité » présentée en Floride pour les prochaines élections consulaires de 2021, Nathalie Ponak figure sur cette liste.
19 janvier 2021
16 octobre 2020
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